Jouez les concierges de votre boîte !

Il arrive fréquemment que des personnes me demandent ce que des fondateurs de startup font de leurs journées. Ils s’imaginent un « emploi du temps super tendu » avec beaucoup de « réunions importantes », des milliers de décisions business critiques à prendre, des signatures à faire… bref, une vie de super héros. C’est vrai que nous avons beaucoup à faire, mais nous avons aussi besoin de dormir de temps en temps !

Au cours des 10 dernières années, j’ai eu la chance d’être un développeur, un directeur technique, un directeur éditorial et un auteur de cours dans ma propre entreprise (et aussi le type connu pour être celui qui passe frénétiquement l’aspirateur pendant les mises en prod importantes, mais c’est une autre histoire). Avec autant de rôles, il est parfois difficile de savoir ce qu’on fait vraiment.

Il n’y a pas si longtemps, j’ai enfin découvert le titre qui résumait le mieux ce que je fais depuis un certain temps :

Je suis un concierge.

Comment ça ?! Un concierge ?

Oui ! Il semble que le terme exact soit : Concierge MVE.

MVE signifie « Minimum Viable Experiment » (expérimentation minimum viable), par contraste avec MVP, « Minimum Viable Product » (produit minimum viable).

Il est souvent difficile de tester de nouvelles idées pour un produit. Souvent, c’est le boss qui a une Super Idée ™, qui écrit ça et l’envoie à une équipe technique pour qu’elle travaille pendant des mois pour en faire une réalité.

Je pense que c’est dangereux de fonctionner de cette façon. Comment savez-vous si l’idée de départ était bonne ? Pourquoi vous attendez-vous à ce que ça soit la direction qui ait le monopole des bonnes idées ?

Pourquoi vous attendez-vous à ce que ça soit la direction qui ait le monopole des bonnes idées ?

Vous voulez être certain·e que l’idée est bonne, mais vous ne voulez pas perdre des milliers d’heures de travail pour le vérifier. Ceux qui ont lu Lean Startup tentent en général de créer un MVP (en codant la version minimale du produit).

D’autres personnes ont poussé l’idée à l’extrême. C’est là qu’entre en jeu… le concierge MVE. C’est un peu ce que je fais. 😎

Au lieu de dire aux gens que j’ai eu une idée géniale la dernière fois que je prenais un verre, j’essaie de me débrouiller seul et de rendre cette idée réelle sans coder quoi que ce soit. Je fais tout à la main pour expérimenter l’idée. A ce moment précis, il n’y a pas de produit. Ou, pour dire les choses d’une autre façon, je suis le produit.

C’est difficile d’imaginer comment faire cela sans coder quoi que ce soit, mais d’après mon expérience il y a toujours un moyen (quoique parfois fatiguant car très répétitif). Parlons de quelques cas concrets !

Quelques cas concrets

Les mentors

A un moment donné de notre histoire, nous voulions tenter d’utiliser des mentors pour guider et accompagner les étudiants sur OpenClassrooms. Nous ne savions pas si ça fonctionnerait. Nous n’avions aucune idée de la façon dont ils devraient accompagner les étudiants par visioconférence.

Ca nous aurait pris plus d’un an pour construire la plateforme complète : outils de réservation, de conférence, de validation et de feedback… Ca nous aurait pris une grande quantité d’énergie, pour des résultats absolument incertains.

Au lieu de ça, j’ai décidé que je ferais tout à la main moi-même au début. Je serais le mentor, je gèrerais les premières sessions manuellement et déciderais ce qu’il faudrait faire ensuite. J’ai utilisé à ce moment-là Skype pour les visioconférences, j’ai envoyé des invitations manuelles sur Google Calendar, j’ai écrit des notes dans des Google Docs séparés, etc.

Vous ne voulez pas perdre trop de temps et d’argent à construire quelque chose dont personne ne veut.

Cela s’est révélé d’une grande valeur (et est devenu l’un de nos produits principaux). Plus tard, quand j’ai fini par avoir trop de travail en tant que mentor moi-même, j’ai commencé à rechercher d’autres mentors. Quand faire les choses à la main dans des Google Docs est devenu trop délicat, j’ai pu dire aux développeurs de quoi nous avions besoin exactement sur le site.

Ce processus s’est révélé très efficace :

  • Je n’ai pas eu besoin de demander de l’aide au début, j’ai pu commencer à travailler immédiatement.
  • Je savais de quoi j’avais vraiment besoin lorsque j’ai commencé à parler aux développeurs.

Et si vous lanciez Deliveroo ?

Maintenant, essayez de faire le même exercice. Imaginez comment vous lanceriez une start-up de livraison à domicile comme Deliveroo, si vous en étiez le fondateur ou la fondatrice.

Votre premier réflexe sera probablement de vous dire :

  • « Ok, il faut que j’embauche des personnes avec des vélos »
  • « Et il faudrait que j’aie une liste de restaurants en ligne, avec leurs menus »
  • « Les gens devraient pouvoir payer par carte de crédit »
  • etc.

Cela vous prendrait beaucoup de temps à construire. Vous avez d’abord besoin de vérifier si c’est un service que les gens veulent vraiment utiliser, et vous ne voulez pas perdre trop de temps et d’argent à construire quelque chose dont personne ne veut.

Trouver comment faire les choses sans coder s’est révélé difficile pour moi.

Comment feriez-vous cela en tant que concierge ? La meilleure façon serait de tout faire à la main au départ : prenez un vélo, allez chercher les commandes directement auprès des clients, voyez s’ils aiment ce service et s’ils en redemandent. Ensuite, quand vous commencez à avoir trop de travail, proposez petit à petit un moyen de faire les commandes en ligne et trouvez des personnes pour vous remplacer dans les livraisons à vélo.

Vous apprendrez beaucoup car vous parlerez directement à vos clients.

Un dernier conseil

Cette méthodologie s’est révélée très efficace pour moi et, au final, pour OpenClassrooms. Toutes les idées ne sont pas bonnes (loin de là !). En fait, ce n’est pas tant qu’il y a des bonnes et des mauvaises idées, mais plutôt des idées qui ont besoin d’être améliorées. En faisant le travail vous-mêmes, vous saurez bien plus vite ce que les gens attendent.

Trouver comment faire les choses sans coder s’est révélé difficile pour moi. Vous devez être créatif et ne pas avoir peur de faire les choses à la main. J’ai lu que certains entrepreneurs expérimentés conseillent de « faire des choses qui ne passent pas à l’échelle » (« do things that don’t scale »). Je pense que c’est un bon moyen d’oser faire les choses à petite échelle, en se confrontant à la réalité du terrain.

Si votre idée est bonne, vous devriez bientôt être débordé·e de travail. C’est bien. Ca veut dire que vous êtes sur la bonne voie. Vous pouvez commencer à construire le produit et à déléguer à d’autres personnes.

Avec le temps que vous venez de libérer, vous pouvez maintenant recommencer à tester de nouvelles idées folles !