Passe ton bac d’abord !

La scÚne se déroule il y a quelques années.

Nous sommes en voyage de noces avec ma femme. Nous venons tout juste d’arriver Ă  Chiang Mai, pour la suite de notre pĂ©riple de 3 semaines en ThaĂŻlande.

En descendant du bus, nous nous mettons en recherche d’un tuk-tuk (la version locale du taxi) quand 2 filles viennent nous proposer de partager le trajet.

Nous acceptons, nous sympathisons rapidement et nous leur demandons ce qu’elles font ici :

— On est des Pays-Bas, on voyage ensemble.
— Ah oui, combien de temps ?
— Oh, on ne sait pas trop, ça fait quelques mois, là on fait la Thaïlande puis ensuite on va aller en Inde on pense.
— Et vos Ă©tudes ? Vous les faites en parallĂšle ?
— Non, on vient d’avoir notre Bac (NdT : l’équivalent local en fait) et lĂ  on voyage. On fait beaucoup ça dans notre pays, on prend en gĂ©nĂ©ral une annĂ©e pour dĂ©cider ce qu’on veut faire ensuite. Pas vous ?

Bah non, pas nous.

La photo souvenir de notre rencontre avec les Ă©tudiantes hollandaises en voyage

Notre systĂšme Ă©ducatif aime bien l’ordre. Il y a une voie Ă  suivre. On passe le brevet, puis on choisit une option au lycĂ©e (de prĂ©fĂ©rence S), puis on passe le Bac, puis on fait une licence et un master. Tout autre chemin est au mieux vu comme un accident, au pire comme un Ă©chec.

« Prendre une année pour voyager, ne rien faire de spécial, mais ils sont fous aux Pays-Bas ! »

Je me souviens que l’annĂ©e du Bac Ă©tait assez stressante (bon, d’accord, surtout la fin de l’annĂ©e 😜). Le focus ? RĂ©ussir le Bac. Si tu n’as pas ton Bac, il paraĂźt que tu ne pourras jamais trouver de travail, tu seras sans-emploi, puis sans-abri, tu feras la manche dans la rue.

Alors l’orientation dans tout ça ? Eh bien, je ne sais pas vous, mais de mon cĂŽtĂ© le peu de conseil en orientation que j’ai eu, c’était suite Ă  des recherches sur internet et des salons. Quant aux profs, ils veulent bien aider mais ne sont pas formĂ©s Ă  ça. RĂ©sultat des courses : ils vous conseillent une prĂ©pa, ou Ă  la rigueur un BTS ou un DUT. D’accord, mais pour faire quoi ?

En vĂ©ritĂ©, on ne prend pas le temps de choisir ce qu’on veut faire. On dĂ©cide un peu dans l’urgence, souvent par dĂ©faut sur (feu ?) Admission-Postbac.


On a toujours Ă©tĂ© habituĂ© Ă  ça, cela nous paraĂźt ĂȘtre « normal », comme si c’était la seule façon de rĂ©flĂ©chir Ă  son orientation. Pourtant, il m’a suffi de voyager juste un peu pour dĂ©couvrir que ce n’était pas partout comme ça.

« Prendre une année pour voyager, ne rien faire de spécial, mais ils sont fous aux Pays-Bas ! », me suis-je dit sur le coup.

Il est urgent de prendre le temps de respirer.

Aujourd’hui, avec du recul, je me demande si ce n’est pas l’inverse qui est fou. On est toujours en train de courir : contrĂŽles, examens, diplĂŽmes
 On ne sort pas la tĂȘte de l’eau un instant. Alors on choisit vite fait nos Ă©tudes supĂ©rieures tout en continuant Ă  courir.

Et ensuite ? Si ça ne convient pas, on s’en rend gĂ©nĂ©ralement compte aprĂšs avoir errĂ© durant quelques annĂ©es d’études ou, pire, aprĂšs avoir commencĂ© Ă  travailler (ou, pire encore, jamais : on n’est pas heureux mais on ne sait pas pourquoi).

Or, c’est dans les moments de « pause » qu’on y voit plus clair sur ce qu’on aime vraiment faire.

Il est urgent de prendre le temps de respirer. Il ne faut pas avoir peur de chercher sa voie, en dehors du cycle scolaire.

Je me doute que vous pensez sĂ»rement : « Que de temps perdu ! Pendant que les autres font des Ă©tudes, je vais prendre du retard ! Â».

Je comprends enfin aujourd’hui que ce n’est pas du temps perdu, mais du temps prĂ©cieux de gagnĂ©. Il vaut mieux prendre un peu de temps maintenant pour Ă©viter d’en perdre beaucoup ensuite en se trompant de voie.


Alors, concrĂštement, comment faire ? Voici quelques pistes :

  • Prenez une annĂ©e de cĂ©sure aprĂšs le Bac : oui, mĂȘme si les autres ne le font pas tous. Le concept de l’annĂ©e de cĂ©sure n’est pas trĂšs dĂ©veloppĂ© en France, mais rien ne vous empĂȘche d’en faire une ! A part la pression parentale peut-ĂȘtre (montrez-leur ce billet dans ce cas 😉 ) ?
  • Prenez une formation dĂ©diĂ©e : elles commencent Ă  apparaĂźtre, y compris dans les universitĂ©s françaises. Vous n’avez mĂȘme pas besoin d’une annĂ©e complĂšte : quelques 6 mois peuvent dĂ©jĂ  vous apporter beaucoup ! Regardez notamment :
    – PaRĂ©O Ă  Paris-Descartes.
    – RE/Agir Ă  Limoges.
    – Tremplin Ă  Strasbourg.
    – Uncollege aux Etats-Unis (j’ai rencontrĂ© le fondateur rĂ©cemment, Ă  la base il voulait ĂȘtre fermier !)
  • Voyagez : c’est en allant voir ailleurs bien souvent qu’on sort la tĂȘte de l’eau. Alors n’ayez pas peur d’aller dans d’autres pays, dĂ©couvrir d’autres cultures et d’autres façons de penser.
  • Testez des mĂ©tiers : n’ayez pas peur de faire des stages, y compris pour des mĂ©tiers trĂšs variĂ©s qui n’ont rien Ă  voir avec vos Ă©tudes. Dites-vous que c’est juste pour goĂ»ter Ă  l’expĂ©rience. Soyez curieux.

D’aprĂšs l’expĂ©rience d’Uncollege, la plupart des Ă©tudiants ont besoin d’ĂȘtre un peu guidĂ©s. Il suffit d’avoir un suivi rĂ©gulier par un mentor pour amĂ©liorer de façon trĂšs nette les rĂ©sultats.

Mais avant tout, il faut ĂȘtre libre. Libre de s’ennuyer, voyager, sentir ce qui nous attire. C’est un peu perturbant aprĂšs des annĂ©es d’études Ă  courir sur place, mais on se rend vite compte que ça fait un bien fou et que c’est vraiment utile.


Et vous, si vous ĂȘtes Ă©tudiants, qu’en pensez-vous ? Le feriez-vous ?
Si vous ĂȘtes dĂ©jĂ  en poste, pensez-vous que ça vous aurait Ă©tĂ© utile avec du recul ?

Dites-moi tout, je suis curieux d’avoir vos rĂ©actions ! 😃