Je souhaitais depuis longtemps rĂ©sumer en une page ce qui me motive, ce qui me donne de l’Ă©nergie, ce qui guide mes dĂ©cisions. J’ai enfin pris le temps de le faire sous la forme d’un manifeste, que je publie ci-dessous.

Lâhistoire a commencĂ© simplement : je voulais apprendre Ă crĂ©er des sites web, mais je ne trouvais pas de ressources pour dĂ©buter. Il y avait bien des livres Ă la librairie prĂšs de chez moi, mais ils Ă©taient tous clairement destinĂ©s Ă des professionnels. Quant aux sites web pour se former, en 1999, nâen parlons pas : câest Ă peine sâils existaient.
Jâai passĂ© des annĂ©es Ă comprendre ce pour quoi je me battais. Dâailleurs, je ne me bats jamais vraiment. Du moins, pas directement. Je prĂ©fĂšre trouver des solutions, combler les manques. Câest ce que jâai fait, en Ă©crivant le cours dont jâaurais eu besoin. Il est devenu un site web, le Site du ZĂ©ro, puis une entreprise, OpenClassrooms. Les cours quâon y trouve, tous accessibles gratuitement, bĂ©nĂ©ficient aujourdâhui Ă 2 millions de personnes chaque mois.
Jâai la chance inouĂŻe de recevoir des tĂ©moignages en continu de gens qui me disent que ce que jâai fait a eu un vĂ©ritable impact sur leur vie professionnelle.
Je nâoublierai jamais comment, la veille de NoĂ«l, alors que je faisais des cadeaux de derniĂšre minute avec ma sĆur, jâavais Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par cet Ă©tudiant sĂ©nĂ©galais dans une rue dâAvignon. Il avait la chance de pouvoir suivre des Ă©tudes en France dans une Ă©cole parce quâil avait pu se former en ligne sur mes cours pour rĂ©ussir le concours dâentrĂ©e. Il Ă©tait livreur de sushis pour payer ses Ă©tudes et avait tenu Ă mâoffrir une grande boĂźte de sushis pour me remercier (jâai donc mangĂ© des sushis Ă NoĂ«l !). Sa main tremblait au moins autant que la mienne quand il me lâa serrĂ©e.
Je nâoublierai jamais non plus comment cet autre Ă©tudiant, devenu Data Scientist Ă Paris, mâa racontĂ© son histoire. Originaire dâune petite Ăźle du Pacifique, en PolynĂ©sie Française, il nâavait pas accĂšs Ă internet. Il profitait de ses passages Ă Tahiti pour tĂ©lĂ©charger des cours et apprendre, seul, de retour sur son Ăźle. Câest ce qui lui a permis de trouver sa voie et de devenir ce quâil est aujourdâhui.
Petit Ă petit jâai compris que ce que je menais Ă©tait en fait bien un combat : celui de lâaccessibilitĂ© Ă lâĂ©ducation. Je lâai compris parce que, Ă chaque fois que je vois un Ă©tudiant se voir refuser dâapprendre pour une raison injuste (quelquâun qui vous dit « ce nâest pas pour vous »), mon sang se met Ă bouillir. Je le sens sous ma peau. Ăa me rend fou.
Je dĂ©teste autant cette sensation quâelle ne mâĂ©nergise : je ne veux pas en rester lĂ , je veux faire quelque chose.
Je crois quâon ne choisit pas ce quâon aime. Cela vient Ă nous, comme une Ă©vidence, si on prend le temps de sâĂ©couter vraiment.
Je crois quâil nây a pas une voie royale pour les Ă©tudes, Ă suivre Ă tout prix pour avoir le meilleur poste et le meilleur salaire. Je crois dâailleurs que câest chiant, le meilleur poste et le meilleur salaire.
Je crois quâil y a autant de voies que dâindividus.
Je crois que tous les parcours sont atypiques parce que nous sommes uniques.
Je crois quâil nây a rien de plus beau et de plus apaisant que dâĂȘtre enfin dans sa voie.
Je crois quâon devrait ĂȘtre informĂ©s de tout ça. Et mĂȘme plus : je le veux.
Je veux quâon ait accĂšs Ă une information complĂšte, non biaisĂ©e, des mĂ©tiers qui existent.
Je veux quâon puisse se faire accompagner, sans jugement, pour dĂ©couvrir ce qui nous plaĂźt vraiment.
Je veux quâon puisse se former, se tromper de voie, recommencer Ă tout moment de la vie.
Je veux quâil y ait une solution prĂ©cise pour chaque Ă©tudiant qui ne peut pas suivre une formation quand il nâa pas les prĂ©requis.
Je veux quâil y ait une solution quel que soit le handicap : auditif, visuel, moteur⊠financier.
Je veux une plus grande diversitĂ© de profils dans tous les mĂ©tiers, parce quâune sociĂ©tĂ© plus inclusive part de lĂ .
Je veux beaucoup de choses. Mais câest bien, câest apaisant : je suis dans ma voie. Celle qui consiste Ă aider les autres Ă trouver la leur.
Mathieu Nebra