Manifeste

Je souhaitais depuis longtemps résumer en une page ce qui me motive, ce qui me donne de l’énergie, ce qui guide mes décisions. J’ai enfin pris le temps de le faire sous la forme d’un manifeste, que je publie ci-dessous.


En 1999, j’avais 13 ans et cherchais des livres pour apprendre à créer des sites web

L’histoire a commencé simplement : je voulais apprendre à créer des sites web, mais je ne trouvais pas de ressources pour débuter. Il y avait bien des livres à la librairie près de chez moi, mais ils étaient tous clairement destinés à des professionnels. Quant aux sites web pour se former, en 1999, n’en parlons pas : c’est à peine s’ils existaient.

J’ai passé des années à comprendre ce pour quoi je me battais. D’ailleurs, je ne me bats jamais vraiment. Du moins, pas directement. Je préfère trouver des solutions, combler les manques. C’est ce que j’ai fait, en écrivant le cours dont j’aurais eu besoin. Il est devenu un site web, le Site du Zéro, puis une entreprise, OpenClassrooms. Les cours qu’on y trouve, tous accessibles gratuitement, bénéficient aujourd’hui à 2 millions de personnes chaque mois.

J’ai la chance inouïe de recevoir des témoignages en continu de gens qui me disent que ce que j’ai fait a eu un véritable impact sur leur vie professionnelle.

Je n’oublierai jamais comment, la veille de Noël, alors que je faisais des cadeaux de dernière minute avec ma sœur, j’avais été arrêté par cet étudiant sénégalais dans une rue d’Avignon. Il avait la chance de pouvoir suivre des études en France dans une école parce qu’il avait pu se former en ligne sur mes cours pour réussir le concours d’entrée. Il était livreur de sushis pour payer ses études et avait tenu à m’offrir une grande boîte de sushis pour me remercier (j’ai donc mangé des sushis à Noël !). Sa main tremblait au moins autant que la mienne quand il me l’a serrée.

Je n’oublierai jamais non plus comment cet autre étudiant, devenu Data Scientist à Paris, m’a raconté son histoire. Originaire d’une petite île du Pacifique, en Polynésie Française, il n’avait pas accès à internet. Il profitait de ses passages à Tahiti pour télécharger des cours et apprendre, seul, de retour sur son île. C’est ce qui lui a permis de trouver sa voie et de devenir ce qu’il est aujourd’hui. 


Petit à petit j’ai compris que ce que je menais était en fait bien un combat : celui de l’accessibilité à l’éducation. Je l’ai compris parce que, à chaque fois que je vois un étudiant se voir refuser d’apprendre pour une raison injuste (quelqu’un qui vous dit « ce n’est pas pour vous »), mon sang se met à bouillir. Je le sens sous ma peau. Ça me rend fou.

Je déteste autant cette sensation qu’elle ne m’énergise : je ne veux pas en rester là, je veux faire quelque chose.

Je crois qu’on ne choisit pas ce qu’on aime. Cela vient à nous, comme une évidence, si on prend le temps de s’écouter vraiment.
Je crois qu’il n’y a pas une voie royale pour les études, à suivre à tout prix pour avoir le meilleur poste et le meilleur salaire. Je crois d’ailleurs que c’est chiant, le meilleur poste et le meilleur salaire.
Je crois qu’il y a autant de voies que d’individus.
Je crois que tous les parcours sont atypiques parce que nous sommes uniques.
Je crois qu’il n’y a rien de plus beau et de plus apaisant que d’être enfin dans sa voie.

Je crois qu’on devrait être informés de tout ça. Et même plus : je le veux.

Je veux qu’on ait accès à une information complète, non biaisée, des métiers qui existent.
Je veux qu’on puisse se faire accompagner, sans jugement, pour découvrir ce qui nous plaît vraiment.
Je veux qu’on puisse se former, se tromper de voie, recommencer à tout moment de la vie.
Je veux qu’il y ait une solution précise pour chaque étudiant qui ne peut pas suivre une formation quand il n’a pas les prérequis.
Je veux qu’il y ait une solution quel que soit le handicap : auditif, visuel, moteur… financier.
Je veux une plus grande diversité de profils dans tous les métiers, parce qu’une société plus inclusive part de là.

Je veux beaucoup de choses. Mais c’est bien, c’est apaisant : je suis dans ma voie. Celle qui consiste à aider les autres à trouver la leur.

Mathieu Nebra