Le triple bilan 💰🤝🌱

Pour prendre les bonnes décisions, une entreprise a besoin d’un document qui résume sa situation. Ce document doit être une sorte de photo de l’entreprise. Une photo qui dit : « voilà qui nous sommes, voilà où nous en sommes ». Il nous permet de décider dans quelle direction aller.

Historiquement, ce document est le bilan comptable. Il permet d’observer l’entreprise sur son aspect financier.

Un bilan comptable (exemple fictif)

Ce document (avec d’autres documents financiers) sert de base de discussion : comment va l’entreprise, que doit-on faire, etc. Globalement, la discussion est centrée autour de ces informations financières.

Or, si les documents financiers indiquent la viabilité de l’entreprise, ils ne donnent pas de contexte sur d’autres enjeux tout aussi importants, comme son bilan social ou environnemental. On se rend compte aujourd’hui que piloter une entreprise uniquement sur le plan financier peut amener à des désastres sociaux et environnementaux. Une entreprise peut être très rentable, très bien gérée, et pourtant polluer terriblement la planète.

Le problème est qu’il n’y a pas vraiment de standard pour faire le bilan des aspects sociaux et environnementaux. Il y a bien B Corp dont je parlais récemment (et impact.gouv.fr en France depuis peu), mais cela reste loin de la maturité des standards financiers.

Regardez un bilan financier : sa structure est claire, il y a des normes, des normes internationales (et encore, cela varie parfois). Pour un bilan social et environnemental, chacun y va encore de la façon qui l’arrange le plus, pour présenter l’entreprise sous son meilleur jour si possible. Voilà comment on en arrive à faire du social washing et du green washing.

Que fait OpenClassrooms ?

OpenClassrooms est une entreprise à mission et sa mission est sociale : rendre l’Education accessible. Son impact est sur l’emploi : nous mesurons le nombre d’emplois que nous parvenons à créer. Notre objectif est d’aider 1 million d’étudiants dans le monde à trouver un emploi en 2025.

Mais OpenClassrooms, comme toute entreprise, a aussi un impact environnemental, qu’on le veuille ou non. Nous ne sommes pas une entreprise « green tech » mais nous avons une responsabilité. C’est pour cela que nous commençons à mesurer cet impact : que produisent nos propres déplacements professionnels, mais aussi et surtout nos serveurs ?

L’empreinte carbone d’OpenClassrooms est mesurée selon un protocole précis
(source : Quantis)

Pour OpenClassrooms, l’essentiel des émissions est dans le scope 3 à savoir les émissions indirectes. Il faut être précis et comparer les étudiants gratuits (sur les cours), les étudiants payants (sur les parcours), regarder leur usage, etc.

Ce travail a été fait par Quantis, et nous en avons les premiers résultats aujourd’hui. Sans tout détailler ici, car c’est un peu tôt, nous avons un premier enseignement : c’est d’abord le visionnage de vidéos qui provoque le plus de rejets de CO2.

Les principales émissions de CO2 pour OpenClassrooms viennent du visionnage des vidéos (source: Quantis)

Que faire ensuite ?

Ce n’est qu’un premier pas, mais un pas important : nous avons maintenant une première mesure de notre impact. Il nous reste encore beaucoup à faire.

Nous savons que les vidéos sont consommatrices de ressources. Nous pouvons tenter d’optimiser la bande passante, éviter de les lancer automatiquement, etc. C’est ce que nous allons regarder de plus près.

Si on prend du recul, une question nous taraude : est-ce plus doux pour la planète de se former en ligne ou en présentiel ? Nous n’avons pas encore la réponse : il y a beaucoup moins de déplacements des étudiants et professeurs, mais en revanche il y a beaucoup plus de serveurs. Nous avons l’intuition que la formation en ligne a moins d’impact environnemental, mais cela reste encore à prouver.

En revanche, nous avons une conviction dans tous les cas : nous voulons contribuer à la neutralité carbone de nos émissions. Cela veut dire que le diplôme de chaque étudiant doit être neutre en carbone à l’avenir. Pour cela, il faut réduire notre impact mais aussi financer des projets ayant un impact positif pour l’environnement. Cela réduira mécaniquement notre marge financière, mais c’est un compromis que nous devons faire. Nous avons une responsabilité.

Plus tard, nous aspirons à atteindre un certain Graal du reporting. Au lieu de faire simplement un reporting financier, nous combinerions :

  • Reporting financier 💰 : quelle est notre santé financière ?
  • Reporting social 🤝 : quel est notre impact sur l’emploi ?
  • Reporting environnemental 🌱 : quel est notre impact sur la planète ?

Cela devrait donner une vue plus complète et plus juste d’une entreprise comme OpenClassrooms. Le chemin pour y parvenir sera peut-être long, mais nous avons hâte !

Manifeste

Je souhaitais depuis longtemps résumer en une page ce qui me motive, ce qui me donne de l’énergie, ce qui guide mes décisions. J’ai enfin pris le temps de le faire sous la forme d’un manifeste, que je publie ci-dessous.


En 1999, j’avais 13 ans et cherchais des livres pour apprendre à créer des sites web

L’histoire a commencé simplement : je voulais apprendre à créer des sites web, mais je ne trouvais pas de ressources pour débuter. Il y avait bien des livres à la librairie près de chez moi, mais ils étaient tous clairement destinés à des professionnels. Quant aux sites web pour se former, en 1999, n’en parlons pas : c’est à peine s’ils existaient.

J’ai passé des années à comprendre ce pour quoi je me battais. D’ailleurs, je ne me bats jamais vraiment. Du moins, pas directement. Je préfère trouver des solutions, combler les manques. C’est ce que j’ai fait, en écrivant le cours dont j’aurais eu besoin. Il est devenu un site web, le Site du Zéro, puis une entreprise, OpenClassrooms. Les cours qu’on y trouve, tous accessibles gratuitement, bénéficient aujourd’hui à 2 millions de personnes chaque mois.

J’ai la chance inouïe de recevoir des témoignages en continu de gens qui me disent que ce que j’ai fait a eu un véritable impact sur leur vie professionnelle.

Je n’oublierai jamais comment, la veille de Noël, alors que je faisais des cadeaux de dernière minute avec ma sœur, j’avais été arrêté par cet étudiant sénégalais dans une rue d’Avignon. Il avait la chance de pouvoir suivre des études en France dans une école parce qu’il avait pu se former en ligne sur mes cours pour réussir le concours d’entrée. Il était livreur de sushis pour payer ses études et avait tenu à m’offrir une grande boîte de sushis pour me remercier (j’ai donc mangé des sushis à Noël !). Sa main tremblait au moins autant que la mienne quand il me l’a serrée.

Je n’oublierai jamais non plus comment cet autre étudiant, devenu Data Scientist à Paris, m’a raconté son histoire. Originaire d’une petite île du Pacifique, en Polynésie Française, il n’avait pas accès à internet. Il profitait de ses passages à Tahiti pour télécharger des cours et apprendre, seul, de retour sur son île. C’est ce qui lui a permis de trouver sa voie et de devenir ce qu’il est aujourd’hui. 


Petit à petit j’ai compris que ce que je menais était en fait bien un combat : celui de l’accessibilité à l’éducation. Je l’ai compris parce que, à chaque fois que je vois un étudiant se voir refuser d’apprendre pour une raison injuste (quelqu’un qui vous dit « ce n’est pas pour vous »), mon sang se met à bouillir. Je le sens sous ma peau. Ça me rend fou.

Je déteste autant cette sensation qu’elle ne m’énergise : je ne veux pas en rester là, je veux faire quelque chose.

Je crois qu’on ne choisit pas ce qu’on aime. Cela vient à nous, comme une évidence, si on prend le temps de s’écouter vraiment.
Je crois qu’il n’y a pas une voie royale pour les études, à suivre à tout prix pour avoir le meilleur poste et le meilleur salaire. Je crois d’ailleurs que c’est chiant, le meilleur poste et le meilleur salaire.
Je crois qu’il y a autant de voies que d’individus.
Je crois que tous les parcours sont atypiques parce que nous sommes uniques.
Je crois qu’il n’y a rien de plus beau et de plus apaisant que d’être enfin dans sa voie.

Je crois qu’on devrait être informés de tout ça. Et même plus : je le veux.

Je veux qu’on ait accès à une information complète, non biaisée, des métiers qui existent.
Je veux qu’on puisse se faire accompagner, sans jugement, pour découvrir ce qui nous plaît vraiment.
Je veux qu’on puisse se former, se tromper de voie, recommencer à tout moment de la vie.
Je veux qu’il y ait une solution précise pour chaque étudiant qui ne peut pas suivre une formation quand il n’a pas les prérequis.
Je veux qu’il y ait une solution quel que soit le handicap : auditif, visuel, moteur… financier.
Je veux une plus grande diversité de profils dans tous les métiers, parce qu’une société plus inclusive part de là.

Je veux beaucoup de choses. Mais c’est bien, c’est apaisant : je suis dans ma voie. Celle qui consiste à aider les autres à trouver la leur.

Mathieu Nebra